Un enjeu important pour la cohésion sociale en Suisse

Justice et Paix dit oui au financement additionnel de l’AI

La votation du 27 septembre prochain sur le financement additionnel de l’assurance invalidité (AI) va au-delà d’une décision économique ou technique : Elle présente un enjeu important pour la cohésion sociale en Suisse. Pour Justice et Paix, il s’agit de rappeler quels sont les critères éthiques à prendre en compte face à cette question. La dignité humaine, la cohésion sociale et la lutte contre l’exclusion sont des principes de base de notre société. Ils exigent de soutenir le financement additionnel de l’AI.

Le préambule de la Constitution fédérale dit que « la force de la communauté se mesure au bien être du plus faible des ses membres ». A l’instar des autres assurances sociales, l’AI est un élément nécessaire à la cohésion sociale du pays. La solidarité envers les personnes handicapées ou atteintes de maladies chroniques est indéniablement une tâche de la collectivité publique. Le but premier de l’assurance invalidité est de permettre aux personnes handicapées ou invalides de mener une vie digne, c’est-à-dire comme le précise la loi fédérale :

  1. prévenir, réduire ou éliminer l’invalidité grâce à des mesures de réadaptation appropriées, simples et adéquates;
  2. compenser les effets économiques permanents de l’invalidité en couvrant les besoins vitaux dans une mesure appropriée;
  3. aider les assurés concernés à mener une vie autonome et responsable. (art. 1a)

Il est évident que sans un financement approprié, ces buts ne peuvent pas être atteints. Face à la situation actuelle, prétendre assainir l’AI uniquement en réduisant les dépenses n’est pas éthiquement défendable. Cela signifierait priver des catégories entières de personnes de la protection de l’AI ou réduire les rentes de 40% alors que la moyenne se monte à 1’600 francs par mois. En 2008, 41% des invalides ont dû avoir recours aux prestations complémentaires afin de pouvoir assurer le minimum vital. La lutte contre les abus est nécessaire. Elle ne permettrait cependant en aucun cas d’assainir l’AI. Selon l’Office fédéral des assurances sociales, on pourrait au mieux «récupérer» quelque 50 millions de francs par an, soit 1% des rentes versées et 3.5% du déficit annuel. En outre, laisser entendre que derrière chaque bénéficiaire de l’AI, et surtout les malades psychiques ou souffrant de troubles psychosomatiques, se cache un abuseur potentiel est une atteinte à la dignité de ces personnes. Le système proposé à travers une augmentation de la TVA respecte le principe d’une solidarité équitable puisque que cet impôt touche la consommation de tous les individus. L’augmentation prévue entre 0,1% et 0,4%, limitée à une période de sept ans, ne semble pas disproportionné par rapport aux objectifs visés. Elle est supportable pour les ménages, comme pour l’économie. Si le surendettement de l’AI n’est pas corrigé, les conséquences sociales pourraient être encore beaucoup plus graves, puisque que l’AVS risquerait à terme de ne plus être en mesure de garantir le versement des rentes aux retraités.

La lutte contre l’exclusion

Le point de départ de notre réflexion est la dignité humaine de chaque personne indépendamment de son sexe, de son âge, de ses capacités physiques et intellectuelles. Dans l’héritage judéo-chrétien, cette dignité de la personne est liée à son statut de créature « à l’image de Dieu ». L’espoir de la « vie en abondance » promise par Jésus-Christ s’adresse à tous et en particulier aux malades et aux plus faibles. Vivre dans la dignité implique de pouvoir participer à la vie de la société. C’est pourquoi par une aide matérielle, l’AI vise à permettre aux bénéficiaires de mener une vie autonome et responsable et de rester intégrés dans la société. En cas de refus d’un financement adéquat de l’AI, c’est la cohésion sociale qui est remise en cause.

N’importe qui peut devenir invalide et n’être plus capable de se prendre entièrement lui-même en charge. La solidarité dont nous témoignons est également liée à la conscience que nous avons que la société prendrait soin de nous, si l’invalidité ou la maladie devaient nous frapper.

Les bénéficiaires de l’AI sont triplement touchés par la crise économique. Ceux qui peuvent travailler occupent souvent des emplois précaires, à temps partiel ou peu qualifiés et sont donc les premiers à être licenciés. Ils voient en outre les montants des prestations sociales revus à la baisse. Enfin la crise économique provoque aussi une régression de l’aide bénévole dont ils bénéficient. Le risque de paupérisation est donc réel et important. Le recours massif aux prestations complémentaires et à l’aide sociale n’est pas socialement acceptable. Il provoque en fait un report de charges sur les cantons et les communes. Le renforcement de l’AI est donc particulièrement nécessaire dans une période d’incertitude économique.

Ethique et démocratie

La formation de l’opinion publique en démocratie exige l’honnêteté et la transparence. En focalisant toute l’attention sur «l’augmentation des impôts» et «le pillage de l’AVS» à coup de demi- et de contre-vérités, les opposants usent d’une argumentation malhonnête qui ignore sciemment la réalité du problème. Ce populisme, constamment entretenu par certains milieux et partis, est malsain pour notre démocratie. Au regard de ces critères éthiques, l’assainissement de l’AI est donc une nécessité. C’est pourquoi Justice et Paix recommande d’accepter le financement additionnel de l’AI par un relèvement temporaire des taux de la TVA selon la proposition du Conseil fédéral.

Maurice Page
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