Des procédures plus rapides et une meilleure protection juridique !

Votation populaire sur la modification de la loi sur l’asile du 5 juin 2016

Prise de position de la Commission nationale suisse Justice et Paix au sujet du référendum contre la modification de la loi sur l’asile „Contre des avocats gratuits pour tous les requérants d’asile“.

  1. Situation initiale

Les thèmes liés à la migration, aux réfugiés et à l’asile sont fortement liés à des sentiments d’insécurité et de peurs. Les discussions politiques à ce sujet deviennent ainsi polarisées et basées sur l’émotion. Cependant, par le passé tous les partis politiques et toutes les institutions engagées dans le domaine de l’asile ont réclamé à l’unisson des procédures d’asile plus rapides. Souvent, les procédures qui s’étalent sur plusieurs années constituaient un fardeau pour les candidats à l’asile. Durant longtemps, ils ne savent pas s’ils peuvent rester en Suisse. Cette insécurité empêchait une intégration dans la société en Suisse, notamment l’accès au marché du travail, et constituait pour les candidats à l’asile, qui ont souvent vécu des expériences traumatisantes dans leur pays d’origine et durant leur fuite, une nouvelle expérience très pénible. D’autre part, les longues procédures d’asile représentent une charge – non seulement financière – pour la Suisse : en plus des coûts de procédure et d’hébergement pour les candidats à l’asile, les longs processus ont également des incidences négatives pour la société dans notre pays, en particulier du fait que le droit essentiel à l’asile est constamment traité et considéré comme un problème.

Face à cette situation, le Conseil national et le Conseil aux Etats ont adopté en automne 2015 le modèle présenté par le Conseil fédéral en vue de la restructuration du domaine de l’asile. L’UDC a déposé un référendum contre cette décision, lequel sera soumis en votation le 5 juin 2016.

  1. Eléments essentiels de la modification de la loi sur l‘asile

Au total, le processus législatif a duré plus de six ans. Le résultat de cette longue procédure a abouti à un consensus qui a bénéficié d’un large soutien politique. Le domaine de l’asile doit être restructuré, afin d’assurer des procédures d’asile plus efficaces, plus courtes, mais aussi plus équitable. Les éléments essentiels de ce modèle sont les suivants :

  • Les procédures d’asile doivent se dérouler dans des centres fédéraux, afin que les conseils juridiques, les auditions et les démarches explicatives puissent avoir lieu en grande partie sous un même toit.
  • En vue accélérer les procédures, les délais de recours sont nettement raccourcis.
  • Afin de garantir tout de même des procédures d’asile équitables, tous les candidats à l’asile bénéficient d’une protection juridique gratuite.
  • Les délais de procédure définis doivent également permettre un effet d’accélération.
  • Les centres fédéraux doivent être mis en place dans le cadre d’une procédure d’approbation de projets, qui prévoit comme ultime mesure la possibilité d’une expropriation à l’égard des cantons, des communes ou de personnes privées.
  • Le Secrétariat d’Etat aux migrations est habilité à cantonner les candidats à l’asile récalcitrants dans des centres spéciaux.
  1. Considérations éthiques de la Commission nationale suisse Justice et Paix

Le but principal de la révision de la loi sur l’asile est de réduire la durée de la procédure, qui est actuellement très longue. Le projet actuel de restructuration du domaine de l’asile est le résultat de très nombreux compromis politiques qui ne soulèvent d’aucune part un pur enthousiasme. La politique est cependant l’art du possible. Et il est démontré dans le cas présent que les parts d’ombre et de lumière font partie de tout compromis.

Du point de vue éthique, il convient de relever les éléments suivants :

  • Les réfugiés et les candidats à l’asile ont besoin de notre protection, ils ont le droit de demander l’asile chez nous et de chercher protection conformément à la Convention de Genève sur les réfugiés. Nous avons le devoir, au plus proche de notre conscience, de satisfaire à ce devoir de protection des réfugiés.
  • Les droits de l’homme s’appliquent également de façon inconditionnelle aux candidats à l’asile, aux réfugiés et aux migrants. C’est pourquoi, durant la phase de procédure d’asile, ils ont droit à un hébergement respectueux, ainsi qu’à une clarification rapide au sujet de leur demande d’asile et de leur droit de séjour. Les fondements juridiques ne doivent pas être abolis dans le droit d’asile. L’ensemble de la procédure doit respecter les droits fondamentaux les plus importants.
  • Les critères en vue d’un refus d’une demande d’asile doivent être soigneusement et consciencieusement examinés. Personne n’abandonne de gaîté de cœur sa patrie, sa culture, pour tout recommencer dans un autre pays.
  • En cas de renvoi, il convient de prendre en compte les critères de proportionnalité, d’adéquation et d’équité.

Des délais de recours très brefs

Un élément essentiel de la procédure d’asile accélérée est le raccourcissement du délai de recours. Le projet prévoit une durée de 7 jours ouvrables, ce qui représente un défi presque irréalisable pour beaucoup de candidats à l’asile au vu de leur manque de connaissance des langues et des systèmes juridiques de notre pays, et ne répond pas au droit à un accompagnement juridique. Pour de nombreux opposants à ce projet, ce raccourcissement des délais constitue un durcissement inacceptable du droit d’asile.

La Commission Justice et Paix considère les délais abrégés comme l’expression d’un durcissement progressif du droit d’asile, qui est dû essentiellement aux compromis politiques négociés entre les partis. Mais du fait que la procédure d’asile sera ainsi accélérée et que les candidats sauront plus rapidement s’ils peuvent rester dans notre pays, cette solution s’avère intéressante des deux côtés. Dans la plupart des cas, les candidats à l’asile sont pratiquement contraints au désoeuvrement durant la procédure. Cette période d’attente jusqu’à la décision au sujet de l’asile devient en quelque sorte du « temps perdu ». Ce temps d’attente et d’incertitude, durant lequel les concernés n’ont pas de possibilités de planifier leur avenir à long terme, peut durer parfois plusieurs années danbs la situation actuelle. Des procédures moins longues équivalent ainsi à une diminution de ce temps d’incertitude.

Droit à une protection juridique gratuite

Du point de vue éthique, une accélération de la procédure d‘asile présuppose que l’Etat de droit et la qualité de cette procédure, et par là même son équité, soient garantis. En particulier, les délais de recours parfois très courts posent problème du point de vue éthique, car ils touchent certains droits fondamentaux, et les décisions peuvent avoir des conséquences existentielles pour les candidats à l’asile, au moment où la protection de leur corps et de leur vie n’est pas assurée dans leur pays d’origine. Par ailleurs les procédures sont également complexes. Pour les candidats à l’asile, qui ont souvent subi des expériences traumatisantes, sont peu familiarisés avec notre système juridique et maîtrisent souvent mal nos langues, il est pratiquement impossible de comprendre suffisamment les procédures et de répondre aux exigences. C’est pourquoi ils sont dépendants d’une protection juridique qualifiée.

Dans la pratique actuelle, les conseils juridiques durant la procédure d’asile sont assurés par des oeuvres d’entraide ou par les Eglises. Les candidats à l’asile ne disposent d’aucun droit à un conseil juridique garanti par l’Etat. L’engagement des œuvres d’entraide et des Eglises durant les 30 dernières années a permis de garantir un minimum de protection des candidats à l’asile au niveau constitutionnel. Un accompagnement juridique garanti par l’Etat constitue, selon la Commission Justice et Paix, une nécessité impérative face au raccourcissement des délais de recours. Un tel conseil juridique doit servir les intérêts de notre Etat, car il contribue à garantir la qualité des procédures au niveau juridique et renforce ainsi le droit à une protection face aux persécutions. La garantie d’un accompagnement juridique comble ainsi une lacune constitutionnelle de la procédure d’asile actuelle.

Les services de consultation juridique dans le cadre des procédures d’asile, dans les cantons tout comme dans les centres d’enregistrement et de procédure au niveau national, fonctionnent actuellement à plein régime en raison de l’augmentation des demandes d’asile, alors que les moyens financiers en vue d’assurer les droits des candidats deviennent trop restreints. Les Eglises et les œuvres d’entraide sont débordées par ce surcroît de travail. Devant cette situation, la Commission Justice et Paix soutient la mise en place d’un conseil juridique organisé par l’Etat et placé sous sa responsabilité. Un accès à un conseil et à un accompagnement juridiques fait partie des tâches que doit assumer l’Etat. La réalisation de cette exigence face à l’accélération des procédures, laquelle a pour conséquences un raccourcissement des délais et des procédures menées à un rythme plus soutenu, entraîne un surcroît de travail pour les centres de consultation juridique. Cela entraîne une augmentation nette des coûts financiers, qui doit être prise en charge par l’Etat.

Les expériences d’un centre-test à Zurich

Les expériences menées dans un centre-test à Zurich ont démontré qu’une accélération des procédures d’asile est possible. Elle ne résulte pas de processus administratifs simplifiés, mais surtout d’une réduction nette du délai de recours. Les procédures d’asile plus courtes constituent l’élément central de la modification actuelle du droit d’asile. Et ce but a été atteint à Zurich.

Un élément important des critiques face à ce régime est l’affirmation selon laquelle davantage de candidats à l’asile risquent de disparaître. Les délais de recours plus brefs, la procédure cadencée et un accompagnement juridique professionnel auront peut-être pour conséquences que davantage de personnes seront confrontées à l’absence de perspectives face à leur demande d’asile et tenteront d’échapper à un possible renvoi en disparaissant dans notre société.

La Commission Justice et Paix est préoccupée par ce phénomène. Les personnes qui tombent dans la clandestinité ne bénéficient pas des droits fondamentaux, ce qui limite considérablement leurs possibilités d’intégration dans notre société. Elles vivent dans une peur constante de se voir découvertes et expulsées. Personne n’a véritablement intérêt à cette situation. Il faut chercher d’autres solutions en vue de procurer de nouvelles perspectives à de telles personnes dans leur pays d’origine. Cependant, la Commission estime que dans l’ensemble, l’expérience de Zurich est positive, car l’élément central du projet, à savoir un raccourcissement de la procédure, est atteint.

Procédure d‘approbation du projet

La principale critique face à la procédure d’approbation proposée par la Confédération au sujet de la mise en place de centres fédéraux pour les candidats à l’asile touche en particulier la possibilité, comme ultime mesure, d’une expropriation de bâtiments et de parcelles dans les cantons, les communes ou chez des privés.

Du fait que cette procédure constitue déjà un moyen juridique, lors de la mise en place de projets complexes et contestés dans les différents domaines des infrastructures et de la défense, la Commission Justice et Paix estime que cette critique n’est pas pertinente. Par ailleurs, le projet de loi évoque cette mesure comme un moyen ultime. D’autres possibilités de solutions ou de recherches d’un accord doivent êtres tentées auparavant.

En conclusion

En raison des délais de recours qui deviennent très courts, le projet de modification constitue un nouveau durcissement de la loi sur l’asile. Les personnes qui ont connu des expériences traumatisantes et qui ne sont pas habituées à notre système juridique et à nos habitudes culturelles courent le risque de ne pas pouvoir bénéficier suffisamment de leurs droits en tant que candidats à l’asile. C’est pourquoi, du point de vue éthique, une protection juridique qualifiée doit être garantie pour tous les candidats à l’asile, ce qui est prévu dans le projet de modification du droit d’asile. C’est la raison pour laquelle la Commission Justice et Paix plaide pour un « Oui » à ce sujet.

Fribourg, 12.05.2016

Dr. Wolfgang Bürgstein
Secrétaire général
rue des Alpes 6
1700 Fribourg

+41 78 824 44 18
wolfgang.buergstein@juspax.ch

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